[INTERVIEW] La Tribune : CHRISTÈLE MARNAS, DIRECTRICE TOURNY MEYER MÉDITERRANÉE
Locaux d’activité à Montpellier : « Il faudra peut-être faire un reset sur le modèle »
La crise sanitaire liée au Covid-19 rebat beaucoup de cartes. Notamment celles de certains secteurs comme le transport et la logistique, jusqu’alors peu considérés sur la chaîne de valeurs et qui ont récupéré des lettres de noblesse à l’aune des impératifs de cette crise. Le territoire montpelliérain va devoir adapter son offre à la demande. Contraintes nouvelles mais aussi peut-être opportunités à saisir ? Christele Marnas, directrice région Montpellier chez Tourny Meyer Méditerranée, livre son analyse.
Comment les commerces vont-ils sortir de la crise liée au Covid-19 ?
Christele Marnas : « Le produit commerce, globalement, est bien plus impacté que tout le reste dans son modèle économique : il avait déjà beaucoup souffert avec les gilets jaunes et les grèves, et le Covid-19 a été un accélérateur de tous les problèmes. Il va falloir se poser des questions sur le management de l'unité commerciale, quelle que soit sa nature. On part sur un cycle long de refonte des organisations commerciales car il faut faire revenir les gens dans de nouvelles conditions sanitaires, avec en filigrane des mentalités dont j'ose espérer qu'elles vont changer pour aller vers moins de jetable, des circuits courts, des produits à valeur ajoutée pour le pays. Durant la crise, certains opérateurs ont été à l'écoute de leurs utilisateurs : ça a été le cas d'Antoine Frey (P-dg du groupe Frey, spécialiste en urbanisme commercial, NDLR) qui s'est exprimé durant un webinaire sur les réactions des enseignes commerciales. Le groupe Frey a neutralisé tous les loyers de tous ses locataires du 16 mars au 11 mai et ils les accompagnent sur des loyers progressifs, ce qui représente environ 2,6 mois de loyers offerts. Et il leur propose un prêt sur 24 mois à taux zéro. Pour expliquer sa démarche, Antoine Frey aime à dire "On ne fait pas fortune en ruinant ses clients". »
Durant la période de confinement, on a pu observer l'importance de la chaîne logistique pour assurer la continuité d'approvisionnement, notamment du secteur
« Le secteur de la logistique va connaitre une véritable expansion car la consommation individuelle par le biais des livraisons va augmenter. La logistique commerciale est donc importante à gérer. Jusqu'à présent, on a beaucoup valorisé le numérique et les start-ups et on avait classé les développements commerciaux de retail, la messagerie ou la logistique dans des catégories moins nobles. Or la crise a démontré que tous ces métiers étaient indispensables au bon fonctionnement du pays. »
Comment le territoire montpelliérain doit-il aborder cette problématique, qui pourrait aussi être une opportunité ?
« Toutes les villes vont être confrontées à une équation : l'urgence environnementale et la densité d'un côté, et des métiers qui supportent mal cette densité de l'autre. Il est plus enrichissant et valorisant pour les collectivités d'installer une entreprise du numérique. Or on va devoir organiser une nécessaire réindustrialisation : je pense qu'on va d'abord renforcer les capacités des industries existantes, puis travailler le secteur du transport et réintégrer des fonctions de post-industrialisation en donnant de la valeur ajoutée, comme faire du contrôle sanitaire, du SAV, etc. Et après seulement, on pourra voir des usines revenir ici. Ce qui nous laissera le temps de préparer des opportunités foncières, notamment de part et d'autre de l'autoroute. Mais sur la métropole de Montpellier, on était déjà en sous-stock avant la crise sanitaire (en 2019, le volume des transactions réalisées sur les locaux d'activités et le foncier d'activité est en baisse - 57 300 m2 et 63 700 m2 -, l'offre restant trop faible pour répondre aux besoins des entreprises en termes de surfaces d'ateliers, de bâtiments de production ou de stockage - NDLR). Il faudra peut-être faire un reset sur le modèle dans lequel on était... »
Par Cécile Chaigneau
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